À PROPOS DE CLAUDIA HART
Claudia Hart, Mortification.02, 2009-2016
Claudia Hart, The Bride, 2010-2016
Claudia Hart a émergé au sein d’une génération d’artistes intermedia dans les années 1990 à l’intérieur de la mouvance de l’art dit « identitaire ». L’identité est encore aujourd’hui un sujet d’enquête important dans son travail, mis à jour depuis à travers le canevas de la technologie. L’art de Claudia porte sur les problèmes du corps, de la perception et de la nature modifiés par et dans la technologie. Tout y est fluide, y compris le genre, ce qui lui permet de définir son travail comme cybernétique. Claudia crée des situations liminaires, fascinée par l’interface entre le réel et l’irréel qu’elle considère comme un espace de contemplation et de transformation.
Claudia Hart a été l’une des premières à adopter l’imagerie virtuelle et à utiliser des animations 3D pour réaliser des installations et des projections, ainsi que d’autres formes artistiques issues de la réalité virtuelle, de la réalité augmentée et d’objets utilisant des machines de production assistées par ordinateur et par des modèles informatiques. Elle est de ce fait considérée comme pionnière, ayant pris une position féministe dans le monde de l’art au moment où très peu de femmes étaient présentes. Totalement dévouée à cette cause, elle s’inspire des artistes médiatiques françaises des années 60. Les créations de Claudia sont très variées : des œuvres nouveaux médias (sculptures digitales, dessins, peintures, papiers peints, objets d’artisanat), des projections sur des murs peints mais aussi sur des corps humains qu’elle utilise comme des écrans sculpturaux. Ses œuvres inspirent également des performances et sont aussi montrées dans le contexte du théâtre expérimental. Son travail est symbolique et poétique, jamais narratif, hypnotique et formaliste. Des corps ou des formes naturelles comme des fleurs y apparaissent toujours. Sa nouvelle pièce, Alice Unchained, sera présentée en première mondiale au Centre Pompidou pour la saison 2018/19. Cette pièce est la fin d’une trilogie vaguement inspirée par Alice au pays des merveilles, présentant 11 versions d’Alice clonée et modifiée.
La pratique de Claudia Hart est souvent définie comme «post-photographique», car ses œuvres sont générées à partir de modèles informatiques au lieu d’être capturées avec une caméra. Elle a d’ailleurs développé un programme pédagogique basé sur ce concept à l’École de l’Institut d’Art de Chicago, où elle enseigne. Experimental 3D est le premier programme d’études artistiques dédié exclusivement à l’enseignement des technologies de simulation dans un contexte artistique. Ses élèves participent ainsi activement à cette nouvelle réalité artistique, exposant souvent leurs travaux à coté de ceux de Claudia Hart. Claudia Hart collabore à New York avec la galerie Transfer et la galerie bitforms et est mariée à l’artiste autrichien Kurt Hentschlager. Elle vit à New York et à Chicago et elle est professeur titulaire à la School of the Art Institute de Chicago.
À PROPOS DE L’ŒUVRE « ALICE TEA SET »
Claudia Hart, Alice Tea Set, Porcelaine et réalité augmentée, 2014
Alice Tea Set est un set de thé en porcelaine sur lequel on peut voir une odalisque endormie et nue à travers un dispositif intelligent utilisant un logiciel de réalité augmentée personnalisé. Cette silhouette endormie se retourne et bouge, allongée sur l’assiette. Des insectes artificielles rampent dans des motifs sans cesse en mutation, à la fois sur la figure illusoire et sur la nourriture solide et «réelle». La technologie derrière Alice Tea Set est une application spéciale de réalité augmentée, conçue par l’artiste, créée pour accompagner les services de thé en miniature réalisés à la main par Kimi Kim. Une fois l’application lancée, il suffit de diriger la caméra de votre appareil vers l’assiette.
L’application reconnaît alors un motif décoratif inscrit sur la porcelaine et affiche une projection vidéo personnalisée qui semble faire partie du repas. Les images de Alice Tea Set sont énigmatiques et rêveuses, adoptant le style cinématographique de la photographie surréaliste du début du XXe siècle et du film expérimental. L’artiste s’est inspirée du « Chien Andalou », le film de 1929 de Luis Bunuel et « Meshes of the Afternoon », le film expérimental de Maya Deren réalisé en 1943. L’approche de Hart pour cette application personnalisée consiste à la situer dans l’histoire médiatique de la photographie, du film et de la vidéo d’avant-garde, exactement comme les artistes expérimentaux qui ont toujours travaillé avec les nouvelles technologies en commençant par le développement de la photographie à la fin du XIXe siècle.
Avec Alice Tea Set, l’artiste puise dans le style visuel et les sujets psychologiques des premières technologies utilisées par la photographie et le cinéma surréaliste, ainsi que dans les technologies « archéologiques» encore plus pointues comme le peep-hole caméra et le Zoetrope. Avec le plat en porcelaine de Alice Tea Set, une couche érotique transgressive d’images flotte dans un espace illusoire sur l’assiette. Et de même que nos rêves naissent de l’inconscient, les projections augmentées se manifestent dans un espace liminal illusoire … la vérité puérile derrière le monde bourgeois sophistiqué de la décoration et du design d’intérieur.