Les cyanotypes Artémia, 2014 sont les produits d’une machine, en quelque sorte des images « usinées » ou « machinées », « modélisées » pour révéler un paysage inouï, celui de la mise en place du cycle de la vie avec le début de la chaîne alimentaire. La lumière trace ses propres chemins dans les profondeurs de l’eau et y suscite un flux turbulent d’atomes ; les « artémias » dansent la première chorégraphie de la vie dans un mouvement de ballet où des fluides coulent, fusent et se dispersent en flux multiples, en volutes et tourbillons. Les spirales viennent ouvrir tout ce qui tournait en rond et lui donner une circulation, une direction et un sens. Ces cyanotypes sont des images de l’origine, du moment où quelque chose se met à poindre dans le désordre et le chaos, et c’est sans doute la raison de notre émerveillement : nous y voyons l’émergence de l’ordre ou du sens des choses, comment « ça coule de source ». Voilà un art « méta-phorique » qui nous fait entrer dans des « champs magnétiques » de grande turbulence pour nous mettre devant un mouvement de création, de morphogenèse, là où tout commence et se met en place, là où de vagues remous deviennent un mouvement vital, là où la course errante devient une orbite. Là où les choses commencent, mais auraient pu aussi ne jamais commencer. Avec cette remise en cause du temps et de l’espace, de l’échelle de perception et de l’ébranlement de la sensibilité, c’est l’ espace ainsi défini et incertain qui entre en nous, nous donnant le sentiment que nous sommes « immenses à l’intérieur de nous-mêmes », que nous sommes encore travaillés par le rythme de ces mouvements qui organisent l’univers… qu’une infime perturbation dans le parcours de la lumière suffirait pour que se crée un autre monde.
(Georges Quidet pour HCE GALERIE)